mardi 12 mars 2013

Joutes et désillusions.

J'ai embrassé mon boss. Mon boss m'a embrassé. C'est gros comme truc ou je me plante?  Je veux dire quand un supérieur hiérarchique vous plaque contre lui dans un ascenseur et vous file de loin le meilleur baiser de votre vie, ça compte un peu non? Si en plus le boss en question est l'incarnation d'un précédant coup du soir et que le destin vous le fait recroiser par le truchement du hasard le plus total, ceci vous met quand-même en position d'avoir des réponses au POURQUOI DU COMMENT qui clignote dans votre esprit. N'importe quel quidam après un truc pareil s'attend à recevoir de la news ou de l'explication ou un autre échantillon de "Baiser Ravageur", juste pour être sûre de pas avoir rêvé la chose.

BEN NON. Pas d'explication, pas de news, encore moins de remise de "Baiser Ravageur". RIEN.Vous savez comment s'est passé ma dernière semaine de stage? Le mot qui la décrirait le mieux est déception. Je comparerai ça à un grand non-évènement. Et je peux pourtant vous assurer que j'ai mis toutes mes chances de mon côté pour qu'il en soit autrement.

Le plaquage dans l'ascenseur a eu lieu un Lundi. Le Mardi matin, j'étais au top. Le proverbe maternel a finalement atteint mon cerveau et je me suis appliqué du mieux que j'ai pu à ne pas ressembler à du vinaigre afin de ferrer la mouche. Ça sonne ridicule mais c'est la triste réalité. J'ai sorti le grand jeu chevelure de sirène/ teint de pêche/ regard de biche le tout le cœur plein de confiance et d'excitation maîtrisée d'une main de fer. Et j'ai...attendu. J'ai attendu que quelque chose se passe. 

Que je vous décrive l'horreur de la sensation : j'étais assise sur ma chaise de bureau, faussement au boulot, déguisé en Jessica Rabbit au max du glamour, en train de jeter des regards frénétiques par dessus mon écran pour tenter d'apercevoir Benjamin et avoir une chance de la jouer femme fatale nonchalante. Je me suis même retenue de faire pipi, histoire de ne pas risquer de le manquer pendant une pause besoin vital très soulageant. Malgré toutes mes prières mentales et ma vessie au bord de la rupture, il n'est pas sorti de son bureau. Misère supplémentaire: Mon effort stylistique n'est pas passé inaperçu. 

Aurore m'a littéralement toisé quand je suis arrivée, et ses narines pincées et la manière qu'avait son regard de me balayer de haut en bas n'annonçait rien de bon. Quand trois gus du bureau qui passait habituellement deux à trois fois dans la journée la regarder faire la dinde et secouer ses cheveux tout en riant à gorge ultra déployée faire sa Aurore, se sont tourné vers moi et ont commencé à me parler, ses yeux bleus sont  quasiment devenu noirs. Elle n'a pas trouvé mieux pour me le faire payer que me faire passer la matinée à faire la navette et apporter des dossiers dans tous les coins. Puis quand je posais un quart de fesses sur ma chaise, à demander de faire du café, ou demander un truc au DRH ou que sais-je encore. Le soir venu, sur les rotules j'ai décidé de revoir ma tactique.

Ceci m'a motivé à revenir plus modestement les jours suivants, sans que rien ne se passe non plus... Sans mentir, le vendredi, j'étais au bord de la dépression. Je ne l'avais pas vu en face à face de toute la semaine, tout juste l'ai-je aperçu son dos deux trois fois au loin et...j'arrive pas à croire que je vais dire ça mais il me manquait. Je m'en voulais d'être aussi obnubilée par ce gars qui au fond restait un parfait étranger. Je veux dire, en temps normal je suis pas du genre à être en boucle sur quelqu'un mais ce mec m'obsède. Voilà je l'ai dit. Il m'obsède. Maintenant, j'ai définitivement l'air d'une folle bonne à enfermer. 

Tandis que j'avançais mollement dans les couloirs un tas de dossiers dans les mains et à fond dans mes réflexions d'une profondeur équivalente à celle d'une mare, une porte s'est ouverte et 5 personnes en sont sorties. Parmi eux, Benjamin. Entre le moment où j'ai reconnu son visage et celui où je me suis arrêté, il n'y a pas dû se passer une seconde. Je me suis immédiatement stoppé dans ce que j'étais en train de fabriquer et pire que ça, ma mission m'est complètement sortie de la tête. Je suis restée plantée là à le regarder avec un mélange de sentiments trop confus pour être distingués. J'arrivais pas à croire qu'au moment où je me décide à accepter que tout ceci doit rester une jolie histoire sans aucun sens et que je n'aurais pas d'explication, je le croise. J'essayais de me graver la scène dans ma mémoire, besoin étrange je sais mais je voulais qu'au moins si je ne doive plus le revoir je me rappelle au moins avec netteté de son visage. 

Le tableau n'était pas spécialement magnifique, affriolant, ni même très intéressant. Les gens parlaient l'air très sérieux et chiants, et lui avait cet air sérieux, concentré, et investi d'une mission qui me fascinait. Je l'observais tandis qu'il ne m'avait pas encore repéré et ça me suffisait amplement. J'étais muette et immobile et je n'avais rien à faire là mais j'étais incapable de bouger. J'avais envie de rester là et le mater jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ce qui vous éclaire maintenant sur le degré de gravité que j'atteignais.

J'étais là toute rêveuse dans ce couloir quand une des femmes du groupe me jeta un coup d'œil étonné  et m'interpella:

" Excusez- moi, qui êtes-vous?

Je capte qu'elle me parle mais je met du temps à répondre, si bien que l'attention du groupe se porte sur moi.     La dame me dit autre chose mais je ne comprends pas, mon attention focalisant sur totalement autre chose. Benjamin me regarde enfin. Je vois passer quelque chose comme de la panique avant que son visage ne se durcisse et ses yeux deviennent impassibles. Vu comme j'ai recherché cette instant j'ai limite envie de faire une danse de la victoire et lâcher de l’allégresse.  A la place je lui souris, et c'est un sourire sincère, je suis heureuse de le voir. J'ai le cœur aussi gonflé que la voile d'un bateau  A cet instant là je me fous de comment il me regarde tant qu'il me regarde. Toute à ma niaiserie,.je percute soudainement que la dame m'a posé une question il y a relativement longtemps et que l'ambiance commence à être inconfortable. Je suis en pleine process afin de retrouver la fonction motrice nécessaire à ce que je puisse répondre. Mais j'ai à peine le temps de formuler un "je suis" que je suis coupée dans mon élan.

- Ne vous préoccupez pas d'elle, je vous prie, ce n'est qu'une de nos stagiaires, m'interromps Benjamin avec un ton hautain. Aujourd'hui est son dernier jour parmi nous, je suppose que c'est la raison pour laquelle elle traîne dans nos couloirs.
Sa tirade déclenche l'hilarité dans le petit groupe. Je le regarde interloquée et blessée, mais je ne suis pas au bout de mes surprises car il continue de parler.
- Elle va probablement retourner s'occuper comme elle peut cette après-midi et faire son carton et s'en aller. Ne lui en voulez pas, après tout n'avons nous pas tous été jeunes et désœuvrés?
Nouvel accès de rire.
- Certains plus que d'autres à ce qu'il semblerait, en rajoute un vieux bonhomme sur ma droite en me fixant.
Je me sens comme une moins que rien, et j'ai soudainement envie de me cacher dans un trou de souris et disparaître. Mais quelque chose dans les rires de ces vieilles personnes et de ce jeune coq me donne aussi envie d'en attraper un pour taper sur les autres. Je jugule mon envie de violence et plante mon regard dans celui de Benjamin avec tout ce qu'il me reste d'assurance.

- Sauf votre respect Monsieur, la probabilité pour que je reste une stagiaire toute ma vie est très faible. La probabilité pour que vous soyez un con condescendant toute votre vie est malheureusement très grande et incroyablement forte. "

Sur ce je tourne les talons dans le plus grands des silences. Je regagne mon bureau et fourre mes affaires rageusement dans mon sac, avant de prendre la porte.

lundi 18 février 2013

Just like that.



Nous sommes le 18 février 2013 et cher lecteurs, je viens tout juste de réaliser que l'on est entré dans une nouvelle année. Nulle raison de s'inquiéter pour ma raison mentale. Je sais exactement pourquoi je n'ai pas percuté la chose. La période fête et célébration se situant entre le 31 décembre et le 1er de l'an n'a pas eu l'effet lâché-prise de d'habitude. Comprenez : je ne me suis pas réveillée le 1er janvier avec la gueule de bois effarante normalement inhérente à la soirée de la St Sylvestre. Je ne me suis PAS levée avec une tête de cauchemar et mon maquillage ne s'est PAS baladé artistiquement sur ma figure. 

J'étais scandaleusement normale. Je ne veux pas dire par là que la cuite est obligatoire pour faire le deuil de l'année qui s'est écoulée, mais ne pas commencer la nouvelle sous Doliprane est tellement anti-naturel chez moi que le passage à 2013 n'a pas imprimé sa patte doulorogène comme les autres années et par conséquent n'a été que très modérément réalisé par ma personne. Ceci ne m'est pas arrivé depuis mes 16 ans et la soirée organisée par ma mère où je m'étais retrouvée par la force des chose (l'autorité parentale) invitée contre mon gré. Cette soirée était restée gravée dans ma mémoire en raison de son haut taux d'horreur. Plus précisément, ma lucidité pendant l'horreur m'a marquée. En ma qualité de mineure j'étais autorisée à regarder d'un oeil morne  "120 minutes de bonheur" tandis que l'entièreté de mon voisinage y compris la parenté, titubait d'ivresse dans mon salon. Je vous garanti que ceci vous marque une jeunesse.

Bref. Depuis ma rencontre avec K mon désormais tout-à-fait ex, j'ai...travaillé. La bizarrerie là-dedans c'est que je me suis tellement habituée au petit monde de la stagiaire en maison d'édition que je suis en permanence en mode automatique. C'est comme si en pénétrant dans l'étage, j'abandonnais mon cerveau à la porte et m'embarquais pour une autre journée d'actions ô combien barbantes et répétitives. La situation avec Benjamin n'a pas avancé d'un iota mais au rayon bonnes nouvelles, l'indifférence est maintenant de mise. Je m'en contre-tamponne désormais comme de l'an 20. La preuve: j'ai largement raccourci le temps que je passe dans la salle de bain le matin. Le naturel est le maître mot et mes pores s'esbaudissent sans laisse sur mon visage.



Etonnamment, j'ai l'impression que plus j'en ai rien à foutre plus il m'accorde de l'attention. Je l'ai surpris plusieurs fois en train de m'observer et s'adonner à la technique du regard fixatoire alterné du regard fuyant dès qu'il je l'ai grillé. Ou me frôler alors qu'il a toute la place nécessaire pour éviter le frôlement. Le gus pense t-il que son manège est ultra-discret ou manifeste t-il le regain d'intérêt afin que je le recalcule? A moins que....Non, non, non. Pas question de retomber la dedans, pas question de me poser la tonne d'interrogation stérile. Osef, osef, osef.

Dans exactement 4 jours j'aurais terminé mon incursion dans le monde de l'entreprise et mon stage sera enfin terminé. Aurore et sa voix stridente ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Joie anticipée. En parlant de liberté, il est 4 heures et demi et j'ai enfin fini mon travail.  J'éteins l'ordinateur, arrange les papiers étalés sur mon bureau en petits tas bien nets, puis j'attrape mon sac et me dirige vers l’ascenseur. Les portes s'ouvrent et je presse le bouton du rez-de-chaussée puis m'appuie sur le mur du fond en respirant profondément. 

Chaque fin de journée de boulot, j'ai ce petit rituel que j'appelle "la récupération du cerveau". Parfois, j'attends toute la journée avec ce moment là en tête. J'ai les yeux fermés quand je sens que quelqu'un s'est faufilé dans la cabine juste avant que les portes ne se referment. Quand je les rouvre je vois Benjamin dans son costume noir planté devant moi, l'air déterminé. Je n'ai pas le temps de manifester de la surprise ou quoi que ce soit. En fait je n'ai même pas le temps de prendre une inspiration ou ne serait-ce que penser un truc parce que dès la seconde où les portes se referment avec leur chuintement habituelles, il m'agrippe par la taille, me colle à lui et m'embrasse. 

Le prochain paragraphe est ridicule, je vous préviens mais c'est EXACTEMENT ce que j'ai ressenti. Ce baiser c'est un peu de la magie avec des lèvres. Pendant un instant j'oublie complètement où je suis et je ne suis que sensations. C'est bizarre mais j'ai l'impression de fondre littéralement et ma peau est complètement hérissée de chair de poule. J'ai limite l'impression que tout mon sang a déserté mon cerveau pour se focaliser sur ma bouche et toutes les parties de mon corps qui touchent le sien. Je me presse contre lui, tandis que ses mains se glissent dans mes cheveux et ma nuque.

Il me lâche avec le tintement qui indique que je suis arrivée au RDC. Je rouvre les yeux avec une expression sûrement comique parce qu'il rit tandis qu'il me pousse gentiment dehors, appui sur le bouton du 8ème étage et que les portes se referment. Dans le reflet des portes métallisés, je me vois bouche ouverte, le feu au joues, avec les yeux hyper brillants et le cheveux en désordre. Je ferme immédiatement la bouche et m'applatit la tignasse à deux mains mais je ne parviens pas malgré tout mes efforts à dé-rougir ou avoir un regard normal. 

Est ce qu'il est vraiment arrivé ce qu'il vient d'arriver?

mercredi 19 décembre 2012

In for the kill.



C'est au moment où vous vous y attendez le moins que surviennent les évènements qui vous font dire que le mantra de Maugrey Fol' Œil n'était pas si con. La "VIGILANCE CONSTANTE" devrait être au programme dès la maternelle afin que la chose devienne quasi innée. Si chaque humain sur Terre était programmé pour considérer que rien n'est acquis et que chaque chose est une merdicité en puissance, on ne serait pas plus heureux mais beaucoup plus anesthésié. Ce qui dans mon cas équivaudrait à ne pas me ridiculiser parvenir à être suprêmement indifférente quand j'ai croisé K. ( aka mon Ex-à-la-bite-sans-vagin-fixe) dans un bureau de tabac quelconque de ma ville.

Au lieu de cette merveille qu'est le masque d'indifférence impénétrable, j'ai fait n'importe quoi comme à mon habitude. C'est à dire entrer dans le lieu, visualiser l'Horreur,  tirer une tronche des plus acides, et pivoter sur mes talons dans une coordination aussi parfaite que non-classieuse ou "cool". J'étais parfaitement PAS cool. J'étais mortifiée. Mon estomac s'est contractée et l'espace d'un instant je me suis visualiser balancer un flot de bile telle une incarnation fin 2012 de l'Exorciste. D'où la tête acide.

Trop dommage, il m'a vu. Et le temps que je marche jusqu'au coin de la rue à la vitesse d'une locomotive, il m'a rattrapée. J'ai entendu, un premier "Hey!" que je me suis efforcée de ne pas percuter en avançant toujours comme une furie. Le deuxième "Hey!" était à bien plus fort volume aussi ai-je eu beaucoup plus de mal à feindre la surdité. Quand il m'a devancé puis barré la route en prononçant mon prénom, j'ai compté jusqu'à trois avant de relever la tête et planter mes yeux dans les siens.

La première chose que je me suis dite en le voyant a été "Il n'a pas changé". Phrase des plus stupides si vous voulez mon avis. Je m'attendais à quoi? Qu'il ait un tatouage sur le front avec marqué dessus "je suis un mec infidèle, je crains et je prévois de pourrir en Enfer ou équivalent" ? Impossible. Il lui aurait fallu un front de 30 centimètres, ce qui en y réfléchissant aurait été une punition céleste des plus savoureuses... Mais je m'égare.

Il était là planté devant moi avec un sourire idiot sur le visage et l'air content. Il était tout pareil qu'avant. Rangée de dents blanches, manteau gris et joues rasées. J'arrivais à sentir son parfum de là où j'étais. Je le fixais sans ciller et...il ne se passait rien. Strictement rien. Je ne parlais pas. Je n'avais rien à lui dire. Aucune envie d'échanger des banalités, encore moins envie d'échanger des choses vraies. Il a avalé sa salive et s'est mis à me parler, quelque chose à propos de "ça fait du bien de te voir et consorts." Des trucs creux. Des trucs cons.



J'ai envisagé de lui répondre et puis j'ai abandonné l'idée. Je n'étais pas contente de le voir. Si Hannah était dans les parages, elle m'aurait certainement sortie quelque chose du style "la plaie est encore à vif" et je lui aurais ordonné de se taire. La plaie est super nickel. Je le déteste. Simple. Et j'ai le droit de le détester. Tandis qu'il assurait une conversation unilatérale, je me suis efforcée de le regarder, de vraiment le regarder, et me je me demandais  ce que j'avais aimé chez lui. Qu'est ce qui m'avait plu?

J'ai pensé à des souvenirs, des éclats de rire, de la première fois où il m'a embrassé, de nos courses poursuites dans l'appartement à notre emménagement, des réveils où je l'observais et je me suis sentie triste. Puis dans un flash, je l'ai revue avec Leprechaun et je me suis sentie combative. Comme si j'étais dans un Grand 8 émotionnel. Et puis là aussi soudainement que solennellement j'ai dans ma tête posé une gerbe de fleurs sur la tombe mentale de notre couple. Et je me suis sentie mieux. Il parlait toujours et je me foutais toujours éperdument de ce qu'il pouvait bien me raconter.

J'ai avancé d'un pas et je l'ai vu se décontenancer, perdre de sa superbe, perdre sa composition de mec "cool" qui parlait à la meuf qui avait partagé sa vie pendant 3 putains d'années et qui lui était maintenant totalement étrangère. La meuf qu'il avait trompé pour une raison connu de lui seul. J'ai avancé d'un pas, mes yeux brûlants à force de ne pas ciller, j'ai attrapé son visage et je l'ai embrassé. Dans ce baiser, j'ai mis toute ma haine, mon dégoût et toute ma douleur. J'y ai mis mes souvenirs de bonheur, toutes nos joies, tout ce qu'on a jamais partagé. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Tout ce que je sais c'est que quand je l'ai lâché, je me sentais vide, bizarrement vide et rassérénée. C'était fini.

J'ai tourné les talons et me suis engouffrée dans le métro.